Le mot Kevlar® vous dit forcément quelque chose. Vous avez en effet certainement entendu parler de cette matière parce qu’elle a largement été utilisée pour la confection d’équipements balistiques.
Mais, le nom de Kevlar® c’est aussi et surtout celui d’une marque. À vrai dire, l’intitulé exact de la matière n’est pas tellement attrayant d’un point de vue marketing. Le Kevlar® c’est en effet du poly(p-phénylènetéréphtalamide) ou PPD-T. Pour faire plus simple, c’est un polymère thermoplastique.
Si l’histoire de Kevlar® est intéressante, ça n’est pas seulement parce que la marque a soulevé quelques polémiques et connu quelques déconvenues. C’est aussi et surtout, car l’aventure économique du Kevlar® est particulière et continue à faire école dans l’univers du textile.
Cette histoire économique aura d’ailleurs mis de côté la personne à l’origine de l’invention, une femme : Stéphanie Kwolek. Car Kevlar® c’est une histoire de brevet, de droit, de gros sous et surtout celle d’un géant américain, DuPont de Nemours.
En 1964, une chimiste américaine d’origine polonaise est chargée par la société DuPont de Nemours de développer un matériau capable de remplacer le cordon en acier noyé situé dans le caoutchouc des pneus de voiture. L’entreprise de Stéphanie Kwolek voudrait que les pneus des voitures soient plus résistants, mais également plus légers. Au début des années 1960, la société DuPont entreprend ainsi de se lancer dans un programme de recherche novateur : elle anticipe la crise pétrolière en tentant tout simplement de diminuer la consommation d’essence des voitures.
C’est en planchant sur ce sujet que Stéphanie Kwolek (accompagnée d’Herbert Blades) trouve – par accident – ce que l’on connaît aujourd’hui comme étant du Kevlar®.
La chimiste a l’habitude de travailler sur les polymères, elle en est passionnée. Pour répondre à la demande de son employeur, elle se met à tester plusieurs combinaisons de polymères : le défi est de taille, car il s’agit de fabriquer une fibre très résistante, mais qui puisse être tissée. Un jour, Stéphanie choisit un nouveau solvant et obtient une sorte de liquide blanchâtre, fluide, peu visqueux et qui ressemble à du lait. Le résultat est inhabituel, mais Stéphanie ne sait pas encore qu’il s’agit d’une solution de cristaux liquides qui donnera naissance à une invention révolutionnaire.
Le mélange de polymères que Stéphanie a trouvé est loin d’être une erreur à mettre de côté, car, une fois passé en machine, il donne naissance à des fibres particulièrement tenaces et notamment plus tenaces que le nylon 6.6 qui, jusque-là, était la seule fibre aussi résistante que l’acier.
Suite à cette première découverte, de nombreux tests sont effectués. On découvre petit à petit que la matière révélée par Stéphanie est extrêmement prometteuse :
Bref, la société DuPont comprend vite que sa chimiste a mis au jour une invention géniale qui peut trouver de très nombreuses applications.
Durant les années 1970, l’entreprise choisit de développer le matériau sous le nom de Kevlar® : la marque devient alors une référence dans le domaine des pneumatiques anti-crevaison, des coques de bateaux, du matériel sportif, du matériel balistique ou encore dans le domaine des prothèses et de la fibre optique. Clairement, le Kevlar® deviendra très vite l’un des plus grands succès – si ce n’est le plus grand – de la société DuPont.
Reste que Stéphanie, la chimiste à l’origine de l’invention, n’en tirera bien entendu aucun profit puisque le Kevlar® fait l’objet d’un brevet. Elle recevra tout de même de multiples distinctions et sera largement reconnue dans le monde scientifique.
Ce que nous n’avons pas raconté à propos du Kevlar® c’est le pari économique de DuPont.
Bien sûr, le Kevlar® fait l’objet d’un brevet et donc d’une appartenance exclusive qui s’écoule sur une durée de 20 ans. Concrètement, cela signifie qu’après 20 années écoulées, l’invention de Stéphanie peut être reprise par tous les concurrents qui le souhaitent. La société DuPont pourrait donc profiter du Kevlar® pendant une vingtaine d’années avant de ne plus prétendre à être unique sur le marché.
Mais les choses ne se sont pas passées comme ça. DuPont, avec le Kevlar®, a choisi de faire un pari non pas sur 20 ans, mais sur 60 ans. Trouver une matière novatrice, cela coûte de l’argent et du temps de recherche et développement. L’entreprise a justement choisi d’axer ces recherches sur les polymères grâce à un investissement qui a permis de donner naissance au Kevlar®. Une fois l’invention trouvée, DuPont ne s’arrête pas là : l’entreprise invente une marque.
La grande innovation du Kevlar® c’est de ne pas s’être contenté d’une invention et d’un brevet, c’est d’avoir inventé et commercialisé une marque, un nom. Un grand spectacle de communication est en effet organisé pour vendre la nouvelle fibre et les revendeurs sont mis à contribution.
Résultat des courses, lorsque le brevet est ouvert au domaine public, le nom de Kevlar® est gravé dans les esprits. On peut bien sûr se mettre à copier la matière (ç’a été le cas de Twaron et de Teijin, des noms qui a priori ne vous diront rien), mais on ne peut pas surpasser l’insurpassable : la notoriété.
Quand, à l’expiration du brevet, les premières copies arrivent sur le marché, le public est bien trop éduqué à la notion de Kevlar® pour avoir envie de s’aventurer vers d’autres matières. Justement c’est Kevlar® qui est LA référence, c’est en Kevlar® que les gens ont confiance, car c’est la marque qui est à l’origine de tout.
Bien sûr, le pari de DuPont a fonctionné et a donc fait école auprès de nouvelles inventions. C’est le cas de Goretex par exemple qui a choisi, en plus, d’utiliser la notion de tiers de confiance grâce à la fameuse étiquette siglée “Goretex”. Une façon de passer le message directement du fabricant au consommateur, mais une façon aussi de parler des ingrédients qui composent les objets du quotidien et donc de proposer une expérience utilisateur et une vraie pédagogie de l’ingrédient.
Bilan des courses : avoir un brevet c’est bien, mais projeter ses revenus au-delà des 20 ans de brevet c’est encore mieux. Une marque est renouvelable tous les 10 ans, indéfiniment et ça, à l’époque de Stéphanie Kwolek, personne n’y avait jamais songé.
Le problème, c’est que Kevlar® a été la propre victime de son succès. Quand la marque se déploie sur le marché, elle est en effet révolutionnaire. Le marketing a fait son œuvre, mais il ne pouvait pas non plus rendre le Kevlar® totalement magique !
Rappelez-vous du fondement du Kevlar® : à l’origine, la matière est faite pour renforcer les pneus des voitures tout en les rendant plus légers. Quand on pense que le matériau a fait l’objet de plus de 200 applications différentes, on est déjà largement au-delà des espérances !
Et puis, si le matériau est 6 fois plus résistant que l’acier, il souffre tout de même de quelques failles qui seront d’ailleurs mises en valeur dès les années 1970 par des chercheurs de l’armée américaine. Le Kevlar® perd en effet de sa résistance lorsqu’il est exposé aux UV ou à des agents chimiques de blanchiment. C’est ce qui a causé des accidents dramatiques du côté des Forces Spéciales. Résultat des courses, les gilets pare-balles sont automatiquement recouverts de matériaux étanches à l’eau, résistants aux UV et aux agents de blanchiment.
Le Kevlar® était et reste une super innovation des années 1960. Bien sûr, la science évolue très vite et déjà de nombreux matériaux ont vu le jour pour remplacer le Kevlar® : les câbles d’amarrages ne sont plus faits de Kevlar®, car ils rouillent par exemple.
Si Kevlar® s’est fait dépasser par de nouveaux matériaux et par de nouvelles marques c’est parce qu’elle a ouvert la voie à de nouveaux modes de financement de la recherche et du développement. Les retours sur investissement ne sont plus limités à la stricte période de brevet, on voit désormais plus loin en levant des fonds et en développant un marketing informatif.
Grâce à Kevlar®, plusieurs fabricants ont lancé leur propre nouvelle notion : celle du tiers de confiance. Nous avons parlé de Goretex, mais d’autres grands noms ont recouru à cette méthode. Le tiers de confiance permet aux fabricants de parler directement aux consommateurs : une simple étiquette siglée de l’ingrédient star suffit ainsi à rassurer le consommateur. C’est exactement ce que Armalith fait en ne confiant ses étiquettes qu’à des fabricants certifiés qui passent les tests haut la main et qui peuvent donc prétendre vendre un produit réellement performant. Par exemple : si une marque souhaite acheter un tissu armalith certifié résistant à l’abrasion sur 110km/h, il devra prouver et justifier que les étapes de production n’altèrent pas les performances afin de bénéficier des fameuses étiquettes officielles ARMALITH. Contrôler la façon dont le matériau est commercialisé pour gagner la confiance des consommateurs, c’est une étape clé qui, certainement, ouvrira de nouvelles voies économiques, pour la plus grande sérénité du consommateur.
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